Ténéré



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Avec les caravaniers du Niger


Depuis le Moyen Âge, des caravanes arpentent les étendues les plus isolées du Sahara. Le Ténéré, désert des déserts absolument plat, et l’erg de Bilma, au Niger, sont toujours traversés par ces files de dromadaires lourdement chargés de marchandises. Chaque automne, les Touaregs de l’Aïr quittent ainsi leurs montagnes pour rejoindre la falaise du Kaouar, 800 kilomètres plus à l’est. À la même période, les éleveurs toubous du massif du Djado – en famille parfois – s’élancent dans les immensités dunaires qui les séparent des marchés du Sahel, en particulier du territoire des fascinants bouviers wodaabe… Ce rythme séculaire des échanges autorise la circulation des pains de sel de Bilma, des dattes des oasis du Kaouar et du Djado, des céréales soudanaises. Il permet la vie dans ces endroits si reculés du Sahara. L’ouvrage offre une immersion totale dans la vie quotidienne de ces nomades des marges désertiques.

Introduction :

« Mon premier contact avec l’Afrique remonte à l’école primaire, à l’histoire d’un enfant noir qui, allant de case en case, craignait de casser les œufs d’autruche qu’il portait sur la tête. Adolescent, c’est avec Terre des hommes d’Antoine de Saint-Exupéry que je découvre la sublimation du désert. Je dévore ensuite l’œuvre saharienne de Roger Frison-Roche et le témoignage de René Caillié, qui visita Tombouctou dissimulé sous un burnous. Le pouvoir de ces écrits, l’imaginaire qu’ils firent naître en moi, décidèrent de ma vocation précoce de voyageur ! À 20 ans, je pars de Dakar pour rallier à pied les rives du lac Tchad, 4 300 kilomètres plus loin. À travers le Sénégal, le Mali, le Burkina et le Niger, je chemine un an par pistes et sentiers, prends le pouls d’une terre fascinante, tombe en amour du Sahel et d’une vie saltimbanque. Vingt-cinq ans après, l’aventure continue, moins frivole, plus ethnographique, précisément à la rencontre de peuples en marge, ces nomades qui sans faillir repoussent l’horizon. Dès les premiers voyages, je souhaite vivre avec les Touaregs, ces énigmatiques hommes bleus enjolivés ou diabolisés par les récits coloniaux. Au Mali, dans la région steppique de Ménaka, je m’installe régulièrement avec ces éleveurs voilés, sillonne la brousse à dos de dromadaire, de puits en campements, transhume avec des pasteurs aux rites séculaires. Je m’intègre au mieux, suis adopté, et la fascination s’estompe au profit d’une relation moins idéalisée. Les bouviers peuls me passionnent également, alors je retourne au Niger, et fort de contacts établis lors de ma longue marche, rejoins des groupes isolés afin de courir les nuages à leurs côtés : leçons d’humilité et de courage avec ces incroyables bergers, riches de quelques vaches et d’un paysage à portée de main… En France, pour pallier les études spécialisées que je n’ai pas suivies, je fréquente bibliothèques et musées, je harcèle les bouquinistes à la recherche du livre rare qui précisera ma connaissance de telle ou telle communauté. Enfin, livres et films publiés ou produits semblent légitimer ma démarche, et m’encouragent à persévérer.
Au début des années 2000, j’emprunte de nouveaux itinéraires, en quête de ce qui perdure des échanges traditionnels sahariens. Pendant cinq ans, j’enchaîne les périples dans le but de côtoyer les éleveurs qui pratiquent toujours ce commerce hauturier, principalement en Mauritanie et au Niger, mais aussi au Maroc dans les pas des explorateurs. Ténéré, Avec les caravaniers du Niger traite donc de mes dernières pérégrinations dans ce pays sec et enclavé, l’un des plus déshérités de notre planète. Une terre ocre, souvent ingrate, mais riche de peuples aux parcours fascinants. Fidèle à ma méthode et afin de vivre pleinement l’épopée des Touaregs kel ewey, malgré le poids logistique et technique occasionné par la réalisation d’un documentaire, j’exclus d’emblée l’utilisation du tout-terrain pour privilégier la marche, au rythme des chameliers. Cet exercice sera reproduit quasiment à l’identique lors des autres séjours ethnographiques, en particulier chez les Wodaabe que j’ai l’habitude d’accompagner depuis le milieu des années 1980. Cette imprégnation, avec sa juste empathie, me semble être la seule conduite qui vaille ; j’adhère en cela à une pratique anglo-saxonne de l’ethnologie. L’observation distanciée me semble d’un autre âge, entomologiste, impropre à rendre compte de réalités toujours complexes, à vivre de l’intérieur. J’admets et revendique également une bonne dose de subjectivité. Pourtant, je ne cherche pas à enjoliver l’exotisme – qui est quotidien –, seulement à témoigner d’activités vécues, de manière parfois éprouvante, jour après jour. Pour paraphraser Claude Lévi-Strauss, je hais les exploits et les aventuriers, les matamores qui s’enorgueillissent d’histoires extraordinaires au contact des dernières tribus, comme faire-valoir.
C’est dans cet état d’esprit que j’ai rencontré fortuitement Tanko ag Aliman, guide touareg d’exception, qui m’a accepté dans sa taghlamt, son odyssée annuelle au cœur du Ténéré. Cet ouvrage, consacré au négoce caravanier saharien, voudrait témoigner de la modernité de ce commerce, de son ancrage sociologique fort, par-delà sa rentabilité. Au vu de leur proximité à la fois géographique et culturelle, il m’a semblé pertinent d’aborder aussi la vie des chameliers toubous, arpenteurs forcenés qui bravent chaque année l’erg de Bilma, et des bouviers peuls, ces étonnants bergers du soleil qui illuminent les brousses sahéliennes.
Je vous invite donc à me suivre, pour une navigation au long cours, sur une mer d’huile d’abord, avant d’affronter la houle de l’erg, puis les îlots wodaabe. C’est un voyage qui vous bouleverse, pour vous rejeter différent sur l’autre rive… En route, mettons nos pas dans ceux des bêtes, afin d’écouter la petite musique d’une errance atavique. Oublions le temps du récit notre confort, pour goûter à la rugosité de la terre, à l’onctuosité des sables, au piment de la sueur, à la félicité des cieux pastoraux ! »

Album, 128 pages

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